Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/148

Cette page a été validée par deux contributeurs.

joindre pendant la répétition, monta avec moi aux magasins. Elle voulait que les bras fussent couverts, mais la costumière lui dit doucement que c’était impossible pour la tragédie.

On m’essaya donc une robe de laine blanche tout à fait laide, avec un voile si raide que je le refusai. On me mit sur la tête une couronne de roses, si vilaine que je la refusai aussi.

« Alors, me dit un peu sèchement la costumière, il faudra vous le payer vous-même, Mademoiselle, car ceci, c’est le costume de la Comédie. — C’est bien, je me le paierai, » dis-je en rougissant.

Rentrée chez ma mère, je lui contai mes mésaventures de costume… et maman, qui était très généreuse, me fit de suite acheter un voile de barège blanc qui tombait avec de beaux plis gros et souples et une couronne de roses de haies qui, le soir, paraissaient d’un blanc doux et discret. Et elle me commanda des cothurnes chez le cordonnier de la Comédie.

Il fallait songer aussi à la boite de maquillage. Pour cela, maman s’en remit aux soins de la mère de Dica-Petit, ma camarade du Conservatoire.

J’allai donc avec Mme Dica-Petit chez le père de Léontine Massin, élève au Conservatoire, lequel fabriquait des boites de maquillage.

Nous montâmes les six étages de la maison, sise rue Réaumur. Arrêtées devant une humble porte, nous pûmes lire : Massin, fabricant de boites pour maquillage.

Je frappai à la porte, et une petite bossue vint nous ouvrir. Je reconnus de suite la sœur de Léontine ; elle venait parfois au Conservatoire. « Ah ! s’écria-t-elle, quelle surprise ! Dis donc, Titine, voilà Mlle Sarah ! »