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dans les nuages.

— Mais cela sent mauvais…

— Mais non ; soyez donc simple, chère Madame, personne ne vous regarde.

La jeune femme envoya un coup de badine à son compagnon, et elle se mit bravement à manger du pain et du fromage.

Pendant ce repas un peu frugal, le propriétaire des voitures veillait au débarquement du ballon. La nacelle, emplie par les dépouilles de l’aérostat, fut descendue et mise en dépôt à la consigne. Pauvre fils des airs ! prisonnier dans une cage et revêtu de l’insigne des colis.

Le train était très en retard ; mais le chef de gare nous dit que cela était la faute aux prunes. — Pourquoi ? — Mystère ! — Enfin le sifflet se fait entendre ; nous nous précipitons sur le quai, moi toujours portée par doña Sol. On remercie le chef de gare pour son hospitalité. M. Clairin remet sa carte au jeune agriculteur qui l’échange contre la sienne, et doña Sol, s’approchant de M. B***, lui témoigne sa gratitude pour tous les services qu’il a rendus et la bonne grâce qu’il a mise à les rendre.

Nous montons en wagon. Doña Sol met ses pieds sur moi : je les lui baise avec reconnaissance. Clairin s’allonge en face sur une banquette et Louis Godard se met à l’aise. Le train part : chacun sommeille ; et moi, j’essaie de ras-