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dans les nuages.

Et, perdant la tête, elle allait se précipiter dans le vide ; mais Clairin l’arrêtant :

— Calmez-vous, lui dit-il ; ce n’est pas Hernani qui appelle, c’est le chef de gare.

Tous trois se mirent à rire. En effet, nous avions pendant cet incident traversé un petit hameau, à cheval sur la lisière du bois et nous nous trouvions au-dessus de la ligne de l’Est.

Cela était d’un effet bien curieux : la ligne noire serpentant en tous sens, réveillée par les cordons d’acier, le silence partout et puis tout à coup un monstre formidable arrivant à fond de train avec deux yeux flamboyants de colère, crachant des flammes de sa gueule de fer et formant avec sa chaude haleine des bataillons de nuages qui s’enlèvent hardiment vers le ciel.

Le chef de gare, voyant un ballon et comprenant à l’heure tardive qu’il voulait atterrir, avait appelé les hommes d’équipe afin qu’ils portassent secours, le cas échéant.

— Où sommes-nous ? cria Louis Godard dans la trompe.

— A u-u-u… ille, répondit le chef.

Impossible de comprendre.

— Où sommes-nous ? cria Clairin à son tour d’une voix terrible.

— A u-u-u… ille, hurla le chef entre ses mains.

— Où sommes-nous ? chanta la voix aiguë de doña Sol.