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dans les nuages.

leuvres, les boulevards d’immenses boas au repos. La Villette, au loin, avec ses cloches à gaz ressemblait à un cimetière calciné. Le ballon s’arrêta un instant, planant au dessus d’un monument bizarre. On eût dit une roue gigantesque. Clairin, prenant la longue-vue, reconnut la Roquette. C’était l’heure de la promenade. Tous ces pauvres diables regardaient le ballon, ce fils des airs, emblème de la plus absolue liberté. Ils étaient là les yeux fixés sur l’aérostat, les bras ballants. Doña Sol regardait dans la longue-vue et exprimait tout haut les sensations diverses qui l’agitaient. L’un des condamnés, se promenant dans un étroit préau, s’appuya contre le mur et se prit à pleurer. Qui sait ? Peut-être attendait-il la mort, lui qui voyait là-haut la vie, le soleil, la liberté !

Nous reprîmes alors notre vol vers le ciel. Les voyageurs étaient un peu tristes. Le vent nous poussant, nous traversâmes le cimetière du Père Lachaise. Georges Clairin et doña Sol saluèrent en passant les tombes amies : la jeune femme effeuilla son bouquet de corsage et les blancs pétales tombèrent au hasard dans le champ de repos.

Un grand voile blanc enveloppait majestueusement le cimetière. Le ballon entra dans les plis du voile et marcha de nouveau en faisant de petits circuits. Vingt minutes après, sortant encore des limbes, nous aperçûmes Vincen-