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dans les nuages.

Si sa pitié bien tost ne me relieve,
Je ne voy point moyen de me r’avoir.
Ains finira tantost ma vie briesve.
Helas, Amour, fay luy mon mal sçavoir.

Depuis que fuz de luy si amoureuse,
Je n’ay point eu le cueur ni l’avantage,
Comme la craincte, helas, pauvre paoureuse,
De luy compter mon vouloir et courage,
Dont d’ennuy suis en telle peine et rage,
Qu’ainsi mourant, mourir m’est grand oppresse,
Et si croy bien qu’il en auroit destresse,
Si bonnement ma peine il pouvoit voir ;
De luy mander je n’ay la hardiesse.
Helas, Amour, fay luy mon mal sçavoir.

Puis doncq, Amour, que je n’ay l’esperance
Que mon Seigneur puisse sçavoir, helas,
Par nul moyen jamais, ne par semblance,
Ce que je seuffre en mon pauvre cueur las,
Il te plaira me donner ce soulas,
Qu’il lui souvienne au moins de la journée
Qu’il combattit à la lance mornée,
Faisant tant bien au tournoy son devoir,
Par mon regard fut lors si adjournée
Que je n’en puis faire mon mal sçavoir.

Et ils engagèrent une conversation littéraire. Pendant ce temps le jeune Godard continuait l’aménagement du ballon.