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dans les nuages.

de violet descendaient du soleil et s’allaient perdre dans une dentelle blanche et moussue. L’aérostat ne semblait pas marcher : il faisait frais, mais non froid.

L’air était pur.

Doña Sol récita une complainte fort jolie.

— Mais cela ressemble absolument à la complainte du Minuccio de Musset, dit Georges Clairin.

— Non, c’est celle de Musset qui ressemble à la complainte de Boccace, ou, pour être plus juste, le poète l’a traduite du vieux français vers par vers. Seulement je préfère, moi, celle de Boccace.

Et la jeune femme récita pour la seconde fois cette com­plainte que j’ai retenue. La voici :


Va dire, Amour, ce qui me faict douloir,
Compte au Seigneur que je m’en vois mourir
S’il ne me vient ou me veult secourir,
Celant par craincte un désireux vouloir.

Mercy, Amour, à joinctes mains te crie,
Voy mon Seigneur au lieu où il demeure,
Dy luy comment je le desire et prie,
Tant que d’ardeur il fauldra que je meure,
Toute enflambée et ne sçachant point l’heure
Que perdre puisse une peine si griefve,