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dans les nuages.

manger du poil rôti ; qu’elle faisait ses délices de queues de lézard et de cervelles de paon sautées au beurre de singe. Je savais qu’elle jouait au crocket avec des têtes de mort coiffées de perruques Louis XIV. Je la croyais capable de tout… Oh ! massacrer une pauvre chaise qui n’en pouvait mais, cela dépassait mes prévisions.

Cependant mon sort était fortement discuté, et je tremblais de tous mes bâtons lorsque le jeune Godard m’enleva subitement.

— Ah ! bah ! Madame a raison, elle nous gêne ; je vais arranger cela.

Je perdis connaissance.

Quand je revins à moi, je me trouvai suspendue à côté des petites bottes. Je nageais dans le vide, retenue seulement à la nacelle par une ficelle qui m’entourait la tête. J’eus quelques instants de vertige : puis, m’apprivoisant doucement à ma nouvelle position, je m’orientai.

À ma gauche, pendu par son anse, un petit panier ventru se balançait. La nacelle ressemblait à une friperie en vacances. Nous étions de nouveau dans les nuages à 1,600 mètres d’altitude.

Le spectacle n’était pas moins beau que la première fois. Les nuages gris moutonnés comme un cou de cygne nous servaient de tapis. De grandes draperies orange frangées