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dans les nuages.

que le brutal ne m’avait rien cassé. Puis, il me transporta sous un grand hangar.

— Qu’on laisse cette chaise là, dit-il, en me plaçant dans un coin ; elle servira demain pour doña Sol.

Je restai rêveuse. Que voulait dire tout ceci : demain, doña Sol ?… que se passera-t-il donc demain ?…

Je vis toute la nuit des femmes accroupies par terre, sous mon hangar, et travaillant à une grande étoffe orange dont je ne pouvais distinguer la forme. Elles parlaient de demain, mais je ne saisissais que des bribes de conversation qui piquaient ma curiosité sans la satisfaire.

Enfin le jour se leva : c’était encore un mardi. Je m’étais légèrement assoupie vers le matin. Des hommes venant enlever l’étoffe orange m’éveillèrent brusquement ; puis, l’un d’eux retirant sa veste la jeta sur moi.

Je ne pouvais plus rien voir.

J’entendais aller, venir sous mon hangar, mais je ne comprenais pas. Je souffrais beaucoup. L’homme à la veste revint, tout en nage, reprendre son vêtement. J’ouvris toutes grandes mes pailles.

Ô surprise ! J’aperçois une chose ronde et molle ayant la forme d’un immense champignon : cela sort de la terre en s’élargissant vers le ciel, et le champignon montait, montait toujours.