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dans les nuages.

Je riais sous pailles à toutes ces petites faiblesses. L’un ne montait pas pour conserver un mari à sa femme, l’autre un père à ses enfants ; un troisième parce qu’il avait le vertige. Et ainsi mille prétextes anodins.

Cependant j’étais là depuis huit jours, et la foule augmentait à chaque ascension. Ah ! que j’aurais voulu monter en ballon, moi aussi ! mais non, les voyageurs restaient debout dans la nacelle ; donc aucun espoir pour une pauvre chaise.

J’étais plongée dans mes réflexions lorsque j’en fus tirée par la conversation de mes voisins.

— Qui saluez-vous ?

— Doña Sol.

— Ah ! montrez-la-moi, je ne la connais pas.

— Elle vient à nous.

Je regardai, et je vis s’avancer lentement, entourée de plusieurs personnes, une jeune femme un peu pâle et maigre. Elle jouait avec une petite canne et parlait horriblement vite. Elle monta en ballon, puis, après l’ascension, vint s’asseoir tout près de moi. Elle était ravie : elle reviendrait le lendemain, et tous les jours, tous les jours.

Elle me plut beaucoup : j’aurais voulu lui servir de siège.

Elle revint en effet chaque jour et faisait deux ou trois ascensions. Je trouvais cela un peu beaucoup. Tout le monde était de mon avis et le lui disait.