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en même temps l’air, élément plus étendu, plus léger, plus mobile, plus élastique, qui les environne ? Si elle soulevoit et laissoit retomber deux fois par jour notre océan atlantique, elle en feroit autant de notre atmosphere. Alors nos barometres, si sensibles au moindre poids des nuages, nous annonceroient deux fois par jour des marées aériennes en harmonie avec des marées pélagiennes. « Notre air est trop léger, me répondit un jour un professeur de mathématiques, pour être attiré par la lune ». « Pourquoi donc, lui dis-je, est-il attiré par la terre, au point que son poids fait monter l’eau dans une pompe vuide, à trente-deux pieds de hauteur ? »

Mais comment la lune peut-elle soulever l’océan, malgré l’attraction même de la terre, qui, d’un autre côté, ne lui permet pas d’attirer à elle les méditerranées, les lacs, les fleuves, etc. ? et en supposant qu’elle ne puisse attirer que l’océan, pourquoi produit-elle sur nos côtes deux marées en vingt-quatre heures, puisque, quand elle est au zénith, et sur-tout au nadir de notre méridien, le long continent de l’Amérique s’oppose évidemment aux communications directes de la mer du sud et de l’océan atlantique ? comment, après avoir produit deux marées de six heures chacune par jour dans notre hémisphere boréal, n’en opere-t-elle qu’une de douze heures en vingt-quatre dans l’hémisphere austral, où l’océan est si étendu, et où aucun continent ne s’oppose aux effets de son attraction ?

On sait que par toute la terre elle nous montre toujours la même face : comment donc peut-on supposer aujourd’hui qu’elle tourne, comme notre globe, sur elle-même ? mais comment, par un prodige