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Pline dit que déja de son temps ce commerce se faisoit principalement pour vous. Vous formez entre vous par toute la terre un vaste réseau, dont les fils se correspondent dans le passé, le présent, et l’avenir ; se prêtent mutuellement des forces. Vous enchaînez de fleurs ce globe, dont les passions cruelles des hommes se disputent l’empire.

Ô Françaises, c’est pour vous que l’Indienne donne aujourd’hui la transparence au coton et le plus vif éclat à la soie ! Ce fut pour vous que les filles d’Athenes imaginerent ces robes commodes et charmantes, si favorables à la pudeur et à la beauté, que le sage Fénélon lui-même les trouvoit bien préférables à tous les costumes gênants et orgueilleux de notre ancien régime. La révolution vous en a revêtues, et elles ont ajouté à vos graces naturelles. Meres et nourrices de notre enfance, quel pouvoir vos charmes n’ajoutent-ils pas à vos vertus ? Vous êtes les reines de nos opinions et de notre ordre moral. Vous avez perfectionné nos goûts, nos modes, nos usages, en les simplifiant. Vous êtes les juges nés de tout ce qui est décent, gracieux, bon, juste, héroïque. Vous répandez l’influence de vos jugements dans toute l’Europe, et vous en avez rendu Paris le foyer. C’est dans ses murs, à votre vue, ou par vos souvenirs, que nos soldats s’animent à la défense de la patrie : c’est dans ces mêmes murs que les guerriers étrangers, qui ont porté contre eux des armes malheureuses, viennent en