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les supplices cruels de l’antiquité, qui étoient bien moins des punitions d’une justice équitable que des vengeances d’une politique féroce. Partout vous avez été les premieres à honorer de vos larmes les victimes innocentes de la tyrannie, et à faire connoître les remords aux tyrans. Votre pitié naturelle vous donne à la fois l’instinct de l’innocence et celui de la véritable grandeur. C’est vous qui conservez et embellissez de vos souvenirs les renommées des conquérants magnanimes, dont les vertus généreuses protégerent les foibles, et sur-tout votre sexe. Tels ont été les Cyrus, les Alexandre, les Charlemagne ; sans vous ils ne nous seroient pas plus recommandables que les Tamerlan, les Bajazet, les Attila. Mais le sang des nations subjuguées éleve en vain de sombres nuages autour de leurs grands colosses ; au souvenir de leurs bienfaits vous étendez sur eux des rayons de reconnoissance qui les font briller sur notre horizon de tout l’éclat de la vertu.

Vous êtes les fleurs de la vie. C’est dans votre sein que la nature verse les générations et les premieres affections qui les font éclore. Vous civilisez le genre humain, et vous en rapprochez les peuples bien mieux par des mariages que la diplomatie par des traités. Vous êtes les ames de leur industrie et de leur navigation. C’est pour vous procurer de nouvelles jouissances que les puissances maritimes vont chercher aux Indes les plus douces et les plus riches productions de la terre et du soleil.