Page:Bernardin de Saint-Pierre - Paul et Virginie, Didot, 1806.djvu/84

Cette page a été validée par deux contributeurs.
( lxxii )

fruits les plus savoureux, aux oiseaux qui avoient le plus de mélodie.

Mais tout ce qui leur sembla mériter dans la nature des hommages plus étendus par une beauté ou par une utilité supérieure reçut d’eux des noms de déesses, c’est-à-dire de femmes immortelles. Elles eurent leur séjour dans les cieux et leurs départements sur la terre. Ainsi ils féminiserent et déifierent la lumiere, les étoiles, la nuit, l’aurore. Ils attribuerent les fontaines aux naïades, les ondes azurées de la mer aux néréides, les prairies à Palès, les forêts aux dryades. Ils distribuerent de plus grands départements à des déesses d’un plus haut rang, l’air avec ses nuages majestueux à Junon, la mer paisible à Thétis, la terre et ses riches minéraux à Cybele, les bêtes fauves à Diane, et les moissons à Cérès. Ils caractériserent les puissances de l’ame, source de toutes leurs jouissances, comme celles de la nature. Ils firent des déesses des vertus qui les fortifioient, des graces qui les rendoient sensibles, des muses qui les inspiroient, de Minerve, mere de toute industrie. Enfin ils donnerent à la déesse qui réunissoit tous les charmes de la femme le nom de Vénus, plus expressif sans doute que celui d’aucune divinité. Ils lui attribuerent pour pere Saturne ou le Temps, pour berceau l’Océan, pour compagnons de sa naissance les jeux, les ris, les graces, pour époux le dieu du feu, pour enfant l’amour, et pour domaine toute la nature.