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inspirent, dès la plus tendre enfance. Elles embellissent tout le cours de leur vie. Ils leur sont redevables de l’invention des arts de premiere nécessité, et de tous ceux d’agrément. Elles inventerent le pain, les boissons agréables, les tissus des vêtements, les filatures, les toiles, etc. Elles amenerent les premieres à leurs pieds les animaux utiles et timides qu’ils effrayoient par leurs armes, et qu’elles subjuguerent par des bienfaits. Elles imaginerent pour plaire aux hommes les chansons gaies, les danses innocentes, et inspirerent à leur tour la poésie, la peinture, la sculpture, l’architecture, à ceux d’entre eux qui désirerent conserver d’elles de précieux ressouvenirs. Ils sentirent alors se mêler à leurs passions ambitieuses l’héroïsme et la pitié. Ils n’avoient imaginé au milieu de leurs guerres cruelles et permanentes que des dieux redoutables, un Jupiter foudroyant, un noir Pluton, un Neptune toujours en courroux, un Mars sanglant, un Mercure voleur, un Bacchus toujours ivre ; mais à la vue de leurs femmes chastes, douces, aimantes, laborieuses, ils conçurent dans les cieux des divinités bienfaisantes. Remplis de reconnoissance pour les compagnes de leur vie, ils leur éleverent des monuments plus nombreux et plus durables que des temples. Ils donnerent d’abord, dans toutes les langues, des noms féminins à tout ce qu’ils trouverent de plus aimàble et de plus doux sur la terre, à leurs diverses patries, à la plupart des rivieres qui les arrosoient, aux fleurs les plus odorantes, aux