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aucune carte, ni en faire hommage à aucun souverain. Ils n’appartiennent qu’à l’atmosphere. Ainsi les femmes n’appartiennent qu’au genre humain. Elles le rappellent sans cesse à l’humanité par leurs sentiments naturels et même par leurs passions.

C’est par cette influence qu’elles conservent souvent un peuple depuis son origine jusqu’à ses derniers débris. Voyez ceux qui n’ont plus maintenant ni autels, ni trône, ni capitale, tels que les Guebres, les Arméniens, les Juifs, les Maures d’Afrique ; ils sont roulés par les siecles et les évènements, de contrées en contrées ; mais leurs femmes en lient encore entre eux les individus par les aimants multipliés de filles, de sœurs, d’épouses, de meres. Elles les maintiennent par les mêmes lois qui les ont rassemblés. Leurs hordes errantes sont semblables aux antiques monuments de leurs empires, qui gisent renversés, malgré les ancres de fer qui en lioient les assises. En vain l’Océan en roule les granits dans ses flots, aucune pierre ne se délite : tant est fort le ciment naturel qui en congloméra les grains dans la carriere.

Non seulement les femmes réunissent les hommes entre eux par les liens de la nature, mais encore par ceux de la société. Remplies pour eux des affections les plus tendres, elles les unissent à celles de la divinité, qui en est la source. Elles sont les premiers et les derniers apôtres de tout culte religieux qu’elles leur