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flambeau de la raison. Les muses du nord, de l’occident, et surtout les françaises, planent sur l’Europe, unissent leurs lyres ; et y joignant leurs voix mélodieuses, enchaînent par leurs concerts les cœurs de ses habitants. Ce sont elles qui ont brisé en Amérique les fers des noirs enfants de l’Afrique, et défriché ses forêts par des mains libres. Elles en ont exporté une foule de jouissances, et elles y ont transporté, de l’Europe et de l’Asie, des cultures et des troupeaux utiles, de nouveaux végétaux, des habitants plus humains, et des législations évangéliques. Ô vertueux Penn, divin Fénélon, éloquent Jean-Jacques, vos noms seront un jour plus révérés que ceux des Lycurgue et des Platon ! La superstition n’éleve plus chez nous, comme autrefois, de temples à Dieu par la crainte des démons ; la philosophie les a dissipés à la lumiere de l’astre du jour. Elle montre la terre couverte des bienfaits de la divinité, et les cieux remplis de ses soleils. Que de découvertes utiles ! que d’inventions hardies ! que d’établissements humains inconnus à l’antiquité ! Ce sont les vertus des grands hommes qui ont fait descendre du ciel sur la terre les flambeaux de la vérité ; hélas ! souvent, persécutées et fugitives, elles n’en éclairent le monde ténébreux qu’après de longues secousses et de nombreuses révolutions.

Mais les femmes ont contribué plus que les philosophes à former et à réformer les nations. Elles ne pâlirent point les nuits à composer de longs traités de morale ; elles ne monterent