Page:Bernardin de Saint-Pierre - Paul et Virginie, Didot, 1806.djvu/79

Cette page a été validée par deux contributeurs.
( lxvii )

mensonges religieux qui illustroient des forfaits et consacroient des origines absurdes et criminelles encore révérées de nos jours ? Que de héros, que nous font admirer nos écoles, qui n’étoient au fond que des scélérats ; le féroce Achille, Ulysse le perfide, Agamemnon le parricide, la famille entiere d’Atrée, et tant d’autres aussi criminels qui se prétendoient descendus des dieux et des déesses, le plus souvent changés en bêtes ! Il semble que le monde moral ait roulé autrefois, comme le physique, sur d’autres poles. Cependant des bienfaiteurs du genre humain s’éleverent de siecles en siecles au-dessus de ces brigandages. Hercule, Esculape, Orphée, Linus, Confucius, Lockman, Lycurgue, Solon, Pythagore, Socrate, Platon, etc., civilisent peu-à-peu ces hordes de barbares. Ils déposent parmi eux les éléments de la concorde, des lois, de l’industrie, de religions plus humaines. Ils apparoissent dans les siecles passés au-dessus de leurs nations, comme des sources inépuisables de sagesse, de lumieres, et de vertus, qui ont circulé jusqu’à nous de générations en générations, semblables à ces fleuves descendus des sommets aériens des montagnes lointaines, qui traversent, depuis des siecles, des rochers, des marais, des sables, pour venir féconder nos plaines et nos vallons.

Déja sur ces mêmes terres où les druides brûloient des hommes, les philosophes les appellent pour les éclairer du