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les intérêts du genre humain ne se composassent un jour que des intérêts de chaque homme. Chaque peuple a eu donc une enfance imbécille, une adolescence crédule, et une jeunesse sans frein. Lisez seulement les histoires de notre Europe, vous la voyez tour-à-tour couverte de Gaulois, de Grecs, de Romains, de Cimbres, de Goths, de Visigoths, de Vandales, d’Alains, de Francs, de Normands, etc., qui s’exterminent les uns après les autres, et la ravagent comme les flots d’une mer débordée. L’histoire de chacun de ces peuples ne présente qu’une suite non interrompue de guerres, comme si l’homme ne venoit au monde que pour détruire son semblable. Ces temps anciens, si vantés pour leur innocence et leurs vertus héroïques, ne sont que des temps de crimes et d’erreurs, dont la plupart, pour notre bonheur, n’existent plus. L’absurde idolâtrie, la magie, les sorts, les oracles, le culte des démons, les sacrifices humains, l’anthropophagie, les guerres permanentes, les incendies, les famines, l’esclavage, la polygamie, l’inceste, la mutilation des hommes, les droits de naufrage, les droits d’aubaine, etc., désoloient alors nos malheureuses contrées, et sont relégués aujourd’hui sur les côtes de l’Afrique inhospitaliere, ou dans les sombres forêts de l’Amérique. Il en est de même de plusieurs maladies du corps aussi communes que celles de l’ame, telles que les pestes innombrables, les lepres, la ladrerie, les obsessions ou convulsions, etc. Que dire des