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d’autres contrées, et où les mers glacées s’échappoient de leur empire par d’autres canaux. Il en est de même des autres planetes. Leurs spheres, diversement inclinées vers le soleil, sont dans les mains de la providence comme ces cylindres de musique dont il suffit de relever ou d’abaisser les axes de quelques degrés pour en changer tous les concerts.

Ce ne fut sans doute que quand elle l’eut fait passer, si j’ose dire, par les périodes successifs de l’enfance, de l’adolescence, de la puberté, qu’elle créa tour-à-tour les végétaux, les animaux, et les hommes[1], comme elle fait produire successivement à un arbre, après certain période d’années, des feuilles, des fleurs, et des fruits. Mais ce fut dans les temps où le globe élevoit à peine quelques portions de ses continents à la surface des mers, que les torrents de ses poles couverts de glace, et ceux de ces montagnes les plus élevées, creuserent, en se précipitant, les nombreux amphithéâtres que le soleil devoit éclairer de divers aspects, sous les mêmes latitudes. Ils excaverent ces vallées vastes et profondes où errent aujourd’hui d’innombrables troupeaux. Ils escarperent les cimes aériennes de ces rochers qui font le charme de nos perspectives. Les tempêtes de l’atmosphere ajouterent à leur beauté. Elles transporterent dans les airs les premieres semences des forêts qui croissent sur leurs inaccessibles plateaux.

  1. Voyez la note a, à la fin du préambule.