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dans leurs flancs ses racines profondes, aux tempêtes de les raffermir par leurs secousses, au soleil de les féconder, aux saisons de couvrir tour-à-tour ses bras noueux de verdure, de fleurs, et de fruits, aux années de corroborer son tronc par de nouveaux cylindres, de l’élever au-dessus des forêts, et d’en faire un monument durable pour les animaux et pour les hommes.

Il en est de même de notre globe ; il n’est pas sorti de ses mains tel que nous le voyons aujourd’hui. Elle a chargé les siecles de le rouler dans les cieux, et de le développer dans des périodes qui nous sont inconnus. Elle le créa d’abord dans la région des ténebres et des hivers, enseveli sous un vaste océan de glaces, comme un enfant dans l’amnios au sein maternel. Bientôt son centre et ses poles furent aimantés de diverses attractions par le soleil qui parut à son orient. Ses eaux échauffées dans cette partie de son équateur se leverent en brumes épaisses dans l’atmosphere, dilatées par la chaleur ; les vents les voiturerent dans les airs, les pôles encore gelés les attirerent, et les fixerent en nouveaux océans de glaces aux extrémités de son axe, qu’ils tinrent en équilibres par leurs mobiles contrepoids. Devenu plus léger à son orient, il éleva son occident, encore immobile de froid et plus pesant, vers le soleil qui l’attiroit. Alors il circula sur lui-même, en balançant ses poles dans le cercle de l’année, autour de l’astre qui lui