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Ô mon généreux bienfaiteur, aimable protecteur des lettres, puisse cette édition, entreprise en faveur de mes enfants, être un monument de la reconnoissance de leur pere envers toi ! puissé-je moi-même la reproduire par de nouveaux sujets plus dignes de ton ame philanthrope ! Je suis vieux. Ma navigation est déjà avancée. Mais si la providence, qui a dirigé ma foible nacelle au milieu de tant d’orages, retarde encore de quelques années mon arrivée au port, je les emploierai à rassembler d’autres études. Les fleurs tardives de mon printemps promettent encore quelques fruits pour mon automne. Si les rayons d’une aurore orageuse ont fait éclore les premiers, les feux d’un paisible couchant mûriront les derniers. J’ai décrit le bonheur passager de deux enfants élevés au sein de la nature, par des meres infortunées ; j’essaierai de peindre le bonheur durable d’un peuple ramené à ses lois éternelles, par des révolutions.

Espérons de nos malheurs passés notre félicité à venir. Ce n’est que par des révolutions que l’intelligence divine elle-même développe ses ouvrages et les conduit de perfections en perfections.

Elle n’a point renfermé dans un petit gland le chêne robuste couvert de son vaste feuillage. Elle n’y a déposé que le germe fragile de ses premiers éléments. Mais elle ordonne aux eaux du ciel et de la terre de le nourrir, aux rochers de recevoir