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« Sa principale vertu étoit l’humanité. Les monuments qu’il a établis à l’isle de France sont garants de cette vérité… »

En effet, j’ai vu dans cette isle, où j’ai servi comme ingénieur du roi, non seulement des batteries et des redoutes qu’il avoit placées aux lieux les plus convenables, mais des magasins et des hôpitaux très bien distribués. On lui doit surtout un aqueduc de plus de trois-quarts de lieue, par lequel il a amené les eaux de la petite riviere jusqu’au Port-Louis, où avant lui il n’y en avoit pas de potable. Tout ce que j’ai vu dans cette isle de plus utile et de mieux exécuté étoit son ouvrage.

Ses talents militaires n’étoient pas moindres que ses vertus et ses talents d’administrateur. Nommé gouverneur des isles de France et de Bourbon, il battit avec neuf vaisseaux l’escadre de l’amiral Peyton, qui croisoit sur la côte de Coromandel avec des forces très supérieures. Après cette victoire, il fut assiéger aussitôt Madras, n’ayant pour toute armée de débarquement que dix-huit cents hommes, tant blancs que noirs. Après avoir pris cette métropole du commerce des Anglais dans l’Inde, il retourna en France. Des divisions s’étoient élevées entre lui et M. Dupleix, gouverneur de Pondichéry. Aussitôt après son arrivée dans sa patrie, il fut accusé d’avoir tourné à son profit les richesses de sa conquête, et en conséquence il fut mis à la Bastille sans autre