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ton un grand homme, utile au genre humain par ses talents et ses travaux, mis en pieces par des gens de lettres éclairés de ses lumieres, qui n’ont imité de lui que les arts faciles et germains de médire et de flatter ; et quand je lis ensuite à la fin de ce même feuilleton l’éloge d’un misérable charlatan, je crois voir un taureau déchiré dans une arêne par une meute de chiens qu’il a nourris des fruits de ses labeurs, ainsi que les spectateurs barbares de son supplice, tandis que ces mêmes animaux, dressés à lécher les jarrets d’un âne, terminent cette scene féroce par une course ridicule.

Moi. Le calomniateur est un serpent qui se cache à l’ombre des lauriers pour piquer ceux qui s’y reposent. Homere a eu son Zoïle ; Virgile, Bavius et Mœvius ; Corneille, un abbé d’Aubignac, etc. La fleur la plus belle a son insecte rongeur.

Mon ami. J’en conviens ; mais il n’y a jamais eu chez les anciens d’établissements littéraires uniquement destinés à déchirer les gens de lettres tous les jours de la vie. Le nombre s’en augmente sans cesse. Il y a déja plus de journalistes que d’auteurs. Ceux-ci abandonnent même leurs laborieux et stériles travaux pour le lucratif métier de raisonner, à tort et à travers, sur ceux d’autrui.

Moi. Vous avez raison. Mais ce genre de littérature a aussi son utilité. Combien de citoyens occupés de leurs affaires ne sont pas à portée de savoir ce qui se passe en politique, dans les