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en m’assurant que quoiqu’il y fût maltraité, il l’auroit imprimée avec la fidélité la plus exacte, et qu’elle auroit fait le plus grand honneur à ses feuilles. Il est clair qu’il n’avoit eu, en me provoquant, d’autre but que l’innocent desir de gagner de l’argent en remplissant son journal. Peu de temps après il fut obligé d’y renoncer. Cependant les mathématiciens qui l’avoient armé d’arguments contre moi et poussé en avant comme leur champion, vinrent à son secours. Ils lui firent avoir une place à la fois lucrative et honorable. Il y a apparence que s’il eût imprimé ma réponse, il seroit resté journaliste. Mais comme les objections qu’il m’avoit faites paraissoient toutes seules sur son champ de bataille, elles avoient un certain air victorieux dont son parti pouvoit fort bien se féliciter comme d’un triomphe.

Mon ami. Celui dont vous vous moquez étoit un de ces oiseaux innocents qui voltigent autour des greniers pour y ramasser quelques grains. Mais le Journal des Débats est un oiseau de proie : son plaisir est de s’acharner aux réputations d’écrivains célèbres, sur-tout après leur mort. Comment ne traite-t-il pas ce pauvre Jean-Jacques ! A-t-il besoin de quelque philosophe d’une grande autorité en morale ? c’est Jean-Jacques qu’il loue. Ses lecteurs accoutumés à se repaître de sa malignité viennent-ils à s’ennuyer de ses éloges ? c’est Jean-Jacques qu’il déchire ; il le dénonce comme la source de toute corruption.