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PAUL

qui n’étoient plus en état de servir, et qui ne survécurent pas long-temps à leurs maîtresses. Pour le pauvre Fidele, il étoit mort de langueur à-peu-près dans le même temps que son maître.

J’amenai chez moi madame de la Tour, qui se soutenoit au milieu de si grandes pertes avec une grandeur d’ame incroyable. Elle avoit consolé Paul et Marguerite jusqu’au dernier instant, comme si elle n’avoit eu que leur malheur à supporter. Quand elle ne les vit plus, elle m’en parloit chaque jour comme d’amis chéris qui étoient dans le voisinage. Cependant elle ne leur survécut que d’un mois. Quant à sa tante, loin de lui reprocher ses maux, elle prioit Dieu de les lui pardonner, et d’appaiser les troubles affreux d’esprit où nous apprîmes qu’elle étoit tombée immédiatement après qu’elle eut renvoyé Virginie avec tant d’inhumanité.

Cette parente dénaturée ne porta pas loin la punition de sa dureté. J’appris, par l’arrivée successive de plusieurs vaisseaux, qu’elle étoit agitée de vapeurs qui lui rendoient la vie et la mort également insupportables. Tantôt elle se reprochoit la fin prématurée de sa charmante petite-niece, et la perte de sa mere qui