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PAUL

donné, osions assigner des bornes à la puissance de laquelle nous avons tout reçu, nous pourrions croire que nous sommes ici sur les limites de son empire, où la vie se débat avec la mort, et l’innocence avec la tyrannie ?

« Sans doute il est quelque part un lieu où la vertu reçoit sa récompense. Virginie maintenant est heureuse. Ah ! si du séjour des anges elle pouvoit se communiquer à vous, elle vous diroit comme dans ses adieux : Ô Paul ! la vie n’est qu’une épreuve. J’ai été trouvée fidele aux lois de la nature, de l’amour, et de la vertu. J’ai traversé les mers pour obéir à mes parents ; j’ai renoncé aux richesses pour conserver ma foi ; et j’ai mieux aimé perdre la vie que de violer la pudeur. Le ciel a trouvé ma carriere suffisamment remplie. J’ai échappé pour toujours à la pauvreté, à la calomnie, aux tempêtes, au spectacle des douleurs d’autrui. Aucun des maux qui effraient les hommes ne peut plus désormais m’atteindre ; et vous me plaignez ! Je suis pure et inaltérable comme une particule de lumiere ; et vous me rappelez dans la nuit de la vie ! Ô Paul ! ô mon ami ! souviens-toi de ces jours de