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ET VIRGINIE

que vous ne connoissez pas, ne puisse en préparer un autre à Virginie par des lois qui vous sont également inconnues ? Quand nous étions dans le néant, si nous eussions été capables de penser, aurions-nous pu nous former une idée de notre existence ? Et maintenant que nous sommes dans cette existence ténébreuse et fugitive, pouvons-nous prévoir ce qu’il y a au-delà de la mort par où nous en devons sortir ? Dieu a-t-il besoin, comme l’homme, du petit globe de notre terre pour servir de théâtre à son intelligence et à sa bonté, et n’a-t-il pu propager la vie humaine que dans les champs de la mort ? Il n’y a pas dans l’océan une seule goutte d’eau qui ne soit pleine d’êtres vivants qui ressortissent à nous, et il n’existeroit rien pour nous parmi tant d’astres qui roulent sur nos têtes ? Quoi ! il n’y auroit d’intelligence suprême et de bonté divine précisément que là où nous sommes ; et dans ces globes rayonnants et innombrables, dans ces champs infinis de lumiere qui les environnent, que ni les orages ni les nuits n’obscurcissent jamais, il n’y auroit qu’un espace vain et un néant éternel ? Si nous, qui ne nous sommes rien