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PAUL

de larmes de la postérité. Voilà le monument immortel qui lui est réservé sur une terre où tout passe, et où la mémoire même de la plupart des rois est bientôt ensevelie dans un éternel oubli.

« Mais Virginie existe encore. Mon fils, voyez que tout change sur la terre, et que rien ne s’y perd. Aucun art humain ne pourroit anéantir la plus petite particule de matiere ; et ce qui fut raisonnable, sensible, aimant, vertueux, religieux, auroit péri, lorsque les éléments dont il étoit revêtu sont indestructibles ? Ah ! si Virginie a été heureuse avec nous, elle l’est maintenant bien davantage. Il y a un Dieu, mon fils : toute la nature l’annonce ; je n’ai pas besoin de vous le prouver. Il n’y a que la méchanceté des hommes qui leur fasse nier une justice qu’ils craignent. Son sentiment est dans votre cœur, ainsi que ses ouvrages sont sous vos yeux. Croyez-vous donc qu’il laisse Virginie sans récompense ? Croyez-vous que cette même puissance qui avoit revêtu cette ame si noble d’une forme si belle, où vous sentiez un art divin, n’auroit pu la tirer des flots ? que celui qui a arrangé le bonheur actuel des hommes par des lois