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ET VIRGINIE

aux intérêts d’autrui, ils ne voient autour d’eux que des amis faux et des parents ingrats. Mais Virginie a été heureuse jusqu’au dernier moment. Elle l’a été avec nous par les biens de la nature ; loin de nous, par ceux de la vertu : et même dans le moment terrible où nous l’avons vue périr elle étoit encore heureuse ; car, soit qu’elle jetât les yeux sur une colonie entiere à qui elle causoit une désolation universelle, ou sur vous qui couriez avec tant d’intrépidité à son secours, elle a vu combien elle nous étoit chere à tous. Elle s’est fortifiée contre l’avenir par le souvenir de l’innocence de sa vie, et elle a reçu alors le prix que le ciel réserve à la vertu, un courage supérieur au danger. Elle a présenté à la mort un visage serein.

« Mon fils, Dieu donne à la vertu tous les évènements de la vie à supporter, pour faire voir qu’elle seule peut en faire usage, et y trouver du bonheur et de la gloire. Quand il lui réserve une réputation illustre, il l’éleve sur un grand théâtre, et la met aux prises avec la mort ; alors son courage sert d’exemple, et le souvenir de ses malheurs reçoit à jamais un tribut