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ET VIRGINIE

s’efforçant de partager vos fatigues. Quand elle vous auroit donné des enfants, ses peines et les vôtres auroient augmenté par la difficulté de soutenir seule avec vous de vieux parents, et une famille naissante.

« Vous me direz : Le gouverneur nous auroit aidés. Que savez-vous si, dans une colonie qui change si souvent d’administrateurs, vous aurez souvent des la Bourdonnais ? s’il ne viendra pas ici des chefs sans mœurs et sans morale ? si, pour obtenir quelque misérable secours, votre épouse n’eût pas été obligée de leur faire sa cour ? Ou elle eût été foible, et vous eussiez été à plaindre ; ou elle eût été sage, et vous fussiez resté pauvre : heureux si, à cause de sa beauté et de sa vertu, vous n’eussiez pas été persécuté par ceux même de qui vous espériez de la protection !

« Il me fût resté, me direz-vous, le bonheur, indépendant de la fortune, de protéger l’objet aimé qui s’attache à nous à proportion de sa foiblesse même ; de le consoler par mes propres inquiétudes ; de le réjouir de ma tristesse, et d’accroître notre amour de nos peines mutuelles. Sans doute la vertu et l’amour jouissent de ces plaisirs amers. Mais elle n’est plus,