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PAUL

Poudre-d’or. Il descendit précipitamment au bord de la mer, vis-à-vis du lieu où avoit péri le Saint-Géran. À la vue de l’isle d’Ambre, et de son canal alors uni comme un miroir, il s’écria, « Virginie ! ô ma chere Virginie » ! et aussitôt il tomba en défaillance. Domingue et moi nous le portâmes dans l’intérieur de la forêt, où nous le fîmes revenir avec bien de la peine. Dès qu’il eut repris ses sens il voulut retourner sur les bords de la mer ; mais l’ayant supplié de ne pas renouveler sa douleur et la nôtre par de si cruels ressouvenirs, il prit une autre direction. Enfin pendant huit jours il se rendit dans tous les lieux où il s’étoit trouvé avec la compagne de son enfance. Il parcourut le sentier par où elle avoit été demander la grace de l’esclave de la Riviere-noire ; il revit ensuite les bords de la riviere des Trois-mamelles, où elle s’assit ne pouvant plus marcher, et la partie du bois où elle s’étoit égarée. Tous les lieux qui lui rappeloient les inquiétudes, les jeux, les repas, la bienfaisance de sa bien-aimée ; la riviere de la Montagne-longue, ma petite maison, la cascade voisine, le papayer qu’elle avoit planté, les pelouses où elle aimoit à courir, les carrefours de la forêt où elle se