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ET VIRGINIE

tous les secours qui dépendoient de lui. Il s’exprima en peu de mots, mais avec indignation, contre sa tante dénaturée ; et s’approchant de Paul, il lui dit tout ce qu’il crut propre à le consoler. « Je désirois, lui dit-il, votre bonheur et celui de votre famille ; Dieu m’en est témoin. Mon ami, il faut aller en France ; je vous y ferai avoir du service. Dans votre absence j’aurai soin de votre mere comme de la mienne », et en même temps il lui présenta la main ; mais Paul retira la sienne, et détourna la tête pour ne le pas voir.

Pour moi, je restai dans l’habitation de mes amies infortunées pour leur donner, ainsi qu’à Paul, tous les secours dont j’étois capable. Au bout de trois semaines Paul fut en état de marcher ; mais son chagrin paroissoit augmenter à mesure que son corps reprenoit des forces. Il étoit insensible à tout, ses regards étoient éteints, et il ne répondoit rien à toutes les questions qu’on pouvoit lui faire. Madame de la Tour, qui étoit mourante, lui disoit souvent : « Mon fils, tant que je vous verrai, je croirai voir ma chere Virginie ». À ce nom de Virginie il tressailloit et s’éloignoit d’elle, malgré les invitations de sa mere qui le rappeloit auprès