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ET VIRGINIE

avoit de plus distingué dans ses habitants et dans son état-major, à la suite duquel marchoit le gouverneur, suivi de la foule du peuple.

Voilà ce que l’administration avoit ordonné pour rendre quelques honneurs à la vertu de Virginie. Mais quand son corps fut arrivé au pied de cette montagne, à la vue de ces mêmes cabanes dont elle avoit fait si long-temps le bonheur, et que sa mort remplissoit maintenant de désespoir, toute la pompe funebre fut dérangée : les hymnes et les chants cesserent ; on n’entendit plus dans la plaine que des soupirs et des sanglots. On vit accourir alors des troupes de jeunes filles des habitations voisines pour faire toucher au cercueil de Virginie des mouchoirs, des chapelets, et des couronnes de fleurs, en l’invoquant comme une sainte. Les meres demandoient à Dieu une fille comme elle ; les garçons, des amantes aussi constantes ; les pauvres, une amie aussi tendre ; les esclaves, une maîtresse aussi bonne.

Lorsqu’elle fut arrivée au lieu de sa sépulture, des négresses de Madagascar et des Cafres de Mosambique déposerent autour d’elle des paniers de fruits, et