Page:Bernardin de Saint-Pierre - Paul et Virginie, Didot, 1806.djvu/279

Cette page a été validée par deux contributeurs.
164
PAUL

amèrement. Pour Domingue, il se frappoit la poitrine, et perçoit l’air de ses cris douloureux. Nous portâmes le corps de Virginie dans une cabane de pêcheurs, où nous le donnâmes à garder à de pauvres femmes malabares, qui prirent soin de le laver.

Pendant qu’elles s’occupoient de ce triste office nous montâmes en tremblant à l’habitation. Nous y trouvâmes madame de la Tour et Marguerite en prieres, en attendant des nouvelles du vaisseau. Dès que madame de la Tour m’apperçut elle s’écria : « Où est ma fille, ma chere fille, mon enfant » ? Ne pouvant douter de son malheur à mon silence et à mes larmes, elle fut saisie tout-à-coup d’étouffements et d’angoisses douloureuses ; sa voix ne faisoit plus entendre que des soupirs et des sanglots. Pour Marguerite, elle s’écria : « Où est mon fils ? je ne vois point mon fils » ; et elle s’évanouit. Nous courûmes à elle ; et l’ayant fait revenir, je l’assurai que Paul étoit vivant, et que le gouverneur en faisoit prendre soin. Elle ne reprit ses sens que pour s’occuper de son amie qui tomboit de temps en temps dans de longs évanouissements. Madame de la Tour passa toute la nuit dans ces cruelles souffrances ; et par