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PAUL

presque certaine, s’agenouilla sur le sable, en disant : « Ô mon Dieu ! vous m’avez sauvé la vie ; mais je l’aurois donnée de bon cœur pour cette digne demoiselle qui n’a jamais voulu se déshabiller comme moi ». Domingue et moi nous retirâmes des flots le malheureux Paul sans connoissance, rendant le sang par la bouche et par les oreilles. Le gouverneur le fit mettre entre les mains des chirurgiens ; et nous cherchâmes de notre côté le long du rivage si la mer n’y apporteroit point le corps de Virginie : mais le vent ayant tourné subitement, comme il arrive dans les ouragans, nous eûmes le chagrin de penser que nous ne pourrions pas même rendre à cette fille infortunée les devoirs de la sépulture. Nous nous éloignâmes de ce lieu, accablés de consternation, tous l’esprit frappé d’une seule perte, dans un naufrage où un grand nombre de personnes avoient péri, la plupart doutant, d’après une fin aussi funeste d’une fille si vertueuse, qu’il existât une Providence ; car il y a des maux si terribles et si peu mérités que l’espérance même du sage en est ébranlée.

Cependant on avoit mis Paul, qui commençoit à