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PAUL

nous étions à portée de le secourir, il ne cessa de tirer du canon de trois minutes en trois minutes. M. de la Bourdonnais fit allumer de grands feux de distance en distance sur la greve, et envoya chez tous les habitants du voisinage chercher des vivres, des planches, des cables, et des tonneaux vuides. On en vit arriver bientôt une foule, accompagnés de leurs noirs chargés de provisions et d’agrès, qui venoient des habitations de la Poudre-d’or, du quartier de Flacque, et de la riviere du Rempart. Un des plus anciens de ces habitants s’approcha du gouverneur, et lui dit : « Monsieur, on a entendu toute la nuit des bruits sourds dans la montagne ; dans les bois les feuilles des arbres remuent sans qu’il fasse de vent ; les oiseaux de marine se réfugient à terre : certainement tous ces signes annoncent un ouragan. — Eh bien ! mes amis, répondit le gouverneur, nous y sommes préparés, et sûrement le vaisseau l’est aussi. »

En effet tout présageoit l’arrivée prochaine d’un ouragan. Les nuages qu’on distinguoit au zénith étoient à leur centre d’un noir affreux, et cuivrés sur leurs bords. L’air retentissoit des cris des paille-en-culs, des