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PAUL

plus dans la femme une gaieté légere qui dissipe la tristesse de l’homme. Ses graces font évanouir les noirs fantômes de la réflexion. Sur son visage sont les doux attraits et la confiance. Quelle joie n’est rendue plus vive par sa joie ? quel front ne se déride à son sourire ? quelle colere résiste à ses larmes ? Virginie reviendra avec plus de philosophie que vous n’en avez. Elle sera bien surprise de ne pas retrouver le jardin tout-à-fait rétabli, elle qui ne songe qu’à l’embellir, malgré les persécutions de sa parente, loin de sa mere et de vous. »

L’idée du retour prochain de Virginie renouveloit le courage de Paul, et le ramenoit à ses occupations champêtres. Heureux au milieu de ses peines de proposer à son travail une fin qui plaisoit à sa passion !

Un matin, au point du jour (c’étoit le 24 décembre 1744), Paul, en se levant, apperçut un pavillon blanc arboré sur la montagne de la Découverte. Ce pavillon étoit le signalement d’un vaisseau qu’on voyoit en mer. Paul courut à la ville pour savoir s’il n’apportoit pas des nouvelles de Virginie. Il y resta jusqu’au retour du pilote du port, qui s’étoit embarqué pour aller le