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PAUL

de la grandeur de la France étoit que le moindre sujet pouvoit y parvenir à tout, et vous m’avez cité beaucoup d’hommes célebres qui, sortis de petits états, avoient fait honneur à leur patrie. Vous vouliez donc tromper mon courage ?

le vieillard.

« Mon fils, jamais je ne l’abattrai. Je vous ai dit la vérité sur les temps passés ; mais les choses sont bien changées à présent : tout est devenu vénal en France ; tout y est aujourd’hui le patrimoine d’un petit nombre de familles, ou le partage des corps. Le roi est un soleil que les grands et les corps environnent comme des nuages ; il est presque impossible qu’un de ses rayons tombe sur vous. Autrefois, dans une administration moins compliquée, on a vu ces phénomenes. Alors les talents et le mérite se sont développés de toutes parts, comme des terres nouvelles qui, venant à être défrichées, produisent avec tout leur suc. Mais les grands rois qui savent connoître les hommes et les choisir, sont rares. Le vulgaire des rois ne se laisse aller qu’aux impulsions des grands et des corps qui les environnent.