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j’avois eu de lui être utile par mon ouvrage, et sur-tout du témoignage de sa reconnoissance. Je me rappelai, si on peut comparer les petites choses aux grandes, que les Athéniens, prisonniers de guerre et errants en Sicile, ne subsisterent qu’en récitant des vers des tragédies d’Euripide, et qu’à leur retour à Athenes ils vinrent en foule remercier ce grand poëte d’avoir été si bien accueillis à la faveur de ses ouvrages.

Encore une fois, je ne veux établir ici aucun objet de comparaison entre Euripide et moi ; mais je cite ce trait à l’honneur immortel des muses françaises, qui, comme celles d’Athenes, peuvent apporter par tout pays des consolations aux victimes de la guerre et de la politique. Comment se faisoit-il donc que les Anglais vissent avec tant d’indifférence le prospectus de la magnifique édition d’une pastorale si fort de leur goût, et dans des circonstances semblables à celles où se trouvoit le pere de famille qui en étoit l’auteur ? est-ce l’amour de la patrie, qui, leur faisant regarder l’argent comme le nerf des intérêts publics, ne leur permet pas d’en laisser passer la plus petite partie de chez eux chez les nations avec lesquelles ils sont en guerre ? préferent-ils l’intérêt de leur commerce à celui de l’humanité ? Mais je leur offrois un monument des arts commerçable et d’un plus grand prix que les avances que j’en attendois. Se méfient-ils des souscriptions françaises ? Quoi qu’il en soit, il ne m’en est venu qu’une seule