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PAUL

tous à la fois, et assourdissent, comme les sons des cloches d’une cathédrale. L’air, sans cesse renouvelé par le mouvement des eaux, entretient sur les bords de cette riviere, malgré les ardeurs de l’été, une verdure et une fraîcheur, qu’on trouve rarement dans cette isle sur le haut même des montagnes.

À quelque distance de là est un rocher assez éloigné de la cascade pour qu’on n’y soit pas étourdi du bruit de ses eaux, et qui en est assez voisin pour y jouir de leur vue, de leur fraîcheur et de leur murmure. Nous allions quelquefois dans les grandes chaleurs dîner à l’ombre de ce rocher, madame de la Tour, Marguerite, Virginie, Paul et moi. Comme Virginie dirigeoit toujours au bien d’autrui ses actions même les plus communes, elle ne mangeoit pas un fruit à la campagne qu’elle n’en mît en terre les noyaux ou les pepins : « Il en viendra, disoit-elle, des arbres qui donneront leurs fruits à quelque voyageur, ou au moins à un oiseau » Un jour donc qu’elle avoit mangé une papaye au pied de ce rocher, elle y planta les semences de ce fruit. Bientôt après il y crut plusieurs papayers, parmi lesquels il y en avoit un femelle, c’est-à-dire