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parole est aussi ma derniere. La liste de mes souscripteurs n’a donc point été honorée du nom de cette souveraine, parceque son ministre n’a pas jugé à propos de remplir ses intentions. Mais si jamais j’en trouve une occasion sûre, je prendrai la liberté de lui en faire parvenir un des exemplaires, comme un hommage que j’aime à rendre à ses désirs, à son rang, et à ses vertus.

Au reste je ne fus pas surpris qu’un ministre livré à la politique fît peu de cas de la souscription d’une pastorale ; mais je le fus beaucoup, je l’avoue, de n’en recevoir aucune de l’Angleterre. Quoique je n’aie jamais été dans cette isle, j’ai lieu de croire que mes ouvrages m’y ont fait beaucoup d’amis. Ma Théorie des mers y a un grand nombre de partisans. Des familles des plus illustres m’y ont offert un asile avant cette guerre, et plusieurs Anglais de toutes conditions me sont venus voir alors à Paris. Des savants célebres y ont traduit mes Études de la nature ; mais on y a fait sur-tout un si grand nombre de traductions de Paul et Virginie, que l’original français y est devenu un livre classique. C’est ce que m’apprit il y a environ trois ans un de nos émigrés ci-devant fort riche. Il s’étoit réfugié à Londres, où il ne trouva d’autre ressource que de se faire libraire. À son retour en France, il vint me remercier d’avoir vécu fort à son aise de la seule vente de Paul et Virginie. Je fus sensiblement touché du bonheur que