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ET VIRGINIE

péennes, et sur-tout celles de violettes et de scabieuses, dont les fleurs sembloient avoir quelque analogie avec le caractere et la situation de Virginie, qui les lui avoit si particulièrement recommandées ; mais, soit qu’elles eussent été éventées dans le trajet, soit plutôt que le climat de cette partie de l’Afrique ne leur soit pas favorable, il n’en germa qu’un petit nombre, qui ne put venir à sa perfection.

Cependant l’envie, qui va même au-devant du bonheur des hommes, sur-tout dans les colonies françaises, répandit dans l’isle des bruits qui donnoient beaucoup d’inquiétude à Paul. Les gens du vaisseau qui avoit apporté la lettre de Virginie assuroient qu’elle étoit sur le point de se marier : ils nommoient le seigneur de la cour qui devoit l’épouser ; quelques uns même disoient que la chose étoit faite et qu’ils en avoient été témoins. D’abord Paul méprisa des nouvelles apportées par un vaisseau de commerce, qui en répand souvent de fausses sur les lieux de son passage. Mais comme plusieurs habitants de l’isle, par une pitié perfide, s’empressoient de le plaindre de cet évènement, il commença à y ajouter quelque croyance. D’ailleurs dans