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talents, je lui dis que je ne savois ni lire ni écrire. Elle me demanda qu’est-ce que j’avois donc appris depuis que j’étois au monde ; et quand je lui eus répondu que c’étoit à avoir soin d’un ménage et à faire votre volonté, elle me dit que j’avois reçu l’éducation d’une servante. Elle me mit, dès le lendemain, en pension dans une grande abbaye auprès de Paris, où j’ai des maîtres de toute espece : ils m’enseignent, entre autres choses, l’histoire, la géographie, la grammaire, la mathématique, et à monter à cheval ; mais j’ai de si foibles dispositions pour toutes ces sciences, que je ne profiterai pas beaucoup avec ces messieurs. Je sens que je suis une pauvre créature qui ai peu d’esprit, comme ils le font entendre. Cependant les bontés de ma tante ne se refroidissent point. Elle me donne des robes nouvelles à chaque saison. Elle a mis près de moi deux femmes-de-chambre, qui sont aussi bien parées que de grandes dames. Elle m’a fait prendre le titre de comtesse ; mais elle m’a fait quitter mon nom de la Tour, qui m’étoit aussi cher qu’à vous-même, par tout ce que vous m’avez raconté des peines que mon pere avoit souffertes pour