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ET VIRGINIE

En effet plus d’un an et demi s’étoit écoulé sans que madame de la Tour eût des nouvelles de sa tante et de sa fille : seulement elle avoit appris, par une voie étrangere, que celle-ci étoit arrivée heureusement en France. Enfin elle reçut, par un vaisseau qui alloit aux Indes, un paquet, et une lettre écrite de la propre main de Virginie. Malgré la circonspection de son aimable et indulgente fille, elle jugea qu’elle étoit fort malheureuse. Cette lettre peignoit si bien sa situation et son caractere, que je l’ai retenue presque mot pour mot.

« Très chere et bien-aimée maman,

« Je vous ai déja écrit plusieurs lettres de mon écriture ; et comme je n’en ai pas eu de réponse, j’ai lieu de craindre qu’elles ne vous soient point parvenues. J’espere mieux de celle-ci, par les précautions que j’ai prises pour vous donner de mes nouvelles, et pour recevoir des vôtres.

« J’ai versé bien des larmes depuis notre séparation, moi qui n’avois presque jamais pleuré que sur les maux d’autrui ! Ma grand’tante fut bien surprise à mon arrivée, lorsque m’ayant questionnée sur mes