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Je leur fis dire que je regardois une souscription comme un traité de commerce entre un entrepreneur sans argent et des amateurs qui en ont de superflu, par lequel il leur demandoit des avances pour l’exécution d’un ouvrage qu’il s’engageoit à leur livrer à une époque fixe, en diminuant pour eux seuls une partie du prix de la vente ; que ces avances m’étoient nécessaires pour en faire moi-même à des artistes ; ce qui m’étoit impossible si je n’en recevois de mes souscripteurs ; et qu’enfin je ne pouvois regarder comme tels que ceux qui concouroient aux frais de mon édition.

Des raisons si justes et si simples ne firent aucune impression sur eux. Je ne pus même les faire goûter à un ministre d’une cour étrangere, chargé spécialement par sa souveraine de me remettre une lettre où elle me témoignoit le plus grand désir d’être sur la liste de mes souscripteurs. Il avoit accompagné cette lettre d’un billet plein de compliments. Il me rencontra deux ou trois fois dans le monde, où il me dit, après bien des révérences, qu’il se faisoit un véritable reproche d’avoir différé si long-temps de remplir les désirs de sa souveraine ; qu’il se feroit honneur de m’apporter lui-même l’argent de sa souscription. En vain je passai chez lui pour lui en épargner la peine, il ne s’y trouva point. Comme ces scenes eurent lieu plusieurs fois, je cessai de m’y prêter. Je ne connois point de primatum et d’ultimatum dans les affaires. Ma premiere