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ET VIRGINIE

pleuroient : « Cherchez maintenant, leur dit-il, quelque autre que moi qui essuie vos larmes » ! puis il s’éloigna d’elles en gémissant, et se mit à errer çà et là dans l’habitation. Il en parcouroit tous les endroits qui avoient été les plus chers à Virginie. Il disoit à ses chevres et à leurs petits chevreaux, qui le suivoient en bêlant : « Que me demandez-vous ? vous ne reverrez plus avec moi celle qui vous donnoit à manger dans sa main ». Il fut au Repos de Virginie, et à la vue des oiseaux qui voltigeoient autour, il s’écria : « Pauvres oiseaux ! Vous n’irez plus au-devant de celle qui étoit votre bonne nourrice ». En voyant Fidele qui flairoit çà et là, et marchoit devant lui en quêtant, il soupira, et lui dit : « Oh ! tu ne la retrouveras plus jamais ». Enfin il fut s’asseoir sur le rocher où il lui avoit parlé la veille, et à l’aspect de la mer où il avoit vu disparoître le vaisseau qui l’avoit emmenée, il pleura abondamment.

Cependant nous le suivions pas à pas, craignant quelque suite funeste de l’agitation de son esprit. Sa mere et madame de la Tour le prioient par les termes les plus tendres de ne pas augmenter leur douleur par