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maniere si touchante. Les images du bonheur nous plaisent, mais celles du malheur nous instruisent. Que devint, je vous prie, l’infortuné Paul ? »

Le premier objet que vit Paul, en retournant à l’habitation, fut la négresse Marie, qui, montée sur un rocher, regardoit vers la pleine mer. Il lui cria du plus loin qu’il l’apperçut : « Où est Virginie » ? Marie tourna la tête vers son jeune maître, et se mit à pleurer. Paul, hors de lui, revint sur ses pas, et courut au port. Il y apprit que Virginie s’étoit embarquée au point du jour, que son vaisseau avoit mis à la voile aussitôt, et qu’on ne le voyoit plus. Il revint à l’habitation, qu’il traversa sans parler à personne.

Quoique cette enceinte de rochers paroisse derriere nous presque perpendiculaire, ces plateaux verds qui en divisent la hauteur sont autant d’étages par lesquels on parvient, au moyen de quelques sentiers difficiles, jusqu’au pied de ce cône de rochers incliné et inaccessible, qu’on appelle le Pouce. À la base de ce rocher est une esplanade couverte de grands arbres, mais si élevée et si escarpée qu’elle est comme une grande forêt dans l’air, environnée de précipices effroyables. Les