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PAUL

vous n’avez jamais vue ! — Hélas, dit Virginie, je voulois rester ici toute ma vie ; ma mere ne l’a pas voulu. Mon confesseur m’a dit que la volonté de Dieu étoit que je partisse ; que la vie étoit une épreuve… Oh c’est une épreuve bien dure ! »

« Quoi, repartit Paul, tant de raisons vous ont décidée, et aucune ne vous a retenue ! Ah ! il en est encore que vous ne me dites pas. La richesse a de grands attraits. Vous trouverez bientôt, dans un nouveau monde, à qui donner le nom de frere, que vous ne me donnez plus. Vous le choisirez, ce frere, parmi des gens dignes de vous par une naissance et une fortune que je ne peux vous offrir. Mais, pour être plus heureuse, où voulez-vous aller ? Dans quelle terre aborderez-vous qui vous soit plus chere que celle où vous êtes née ? Où formerez-vous une société plus aimable que celle qui vous aime ? Comment vivrez-vous sans les caresses de votre mere, auxquelles vous êtes si accoutumée ? Que deviendra-t-elle elle-même, déja sur l’âge, lorsqu’elle ne vous verra plus à ses côtés, à la table, dans la maison, à la promenade où elle s’appuyoit sur vous ? Que deviendra