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ET VIRGINIE

et la tranquillité de l’air. Tous, jusqu’aux insectes, bruissoient sous l’herbe. Les étoiles étinceloient au ciel, et se réfléchissoient au sein de la mer qui répétoit leurs images tremblantes. Virginie parcouroit avec des regards distraits son vaste et sombre horizon, distingué du rivage de l’isle par les feux rouges des pêcheurs. Elle apperçut à l’entrée du port une lumiere et une ombre : c’étoit le fanal et le corps du vaisseau où elle devoit s’embarquer pour l’Europe, et qui, prêt à mettre à la voile, attendoit à l’ancre la fin du calme. À cette vue elle se troubla, et détourna la tête pour que Paul ne la vît pas pleurer.

Madame de la Tour, Marguerite et moi, nous étions assis à quelques pas de là sous des bananiers ; et dans le silence de la nuit nous entendîmes distinctement leur conversation, que je n’ai pas oubliée.

Paul lui dit : « Mademoiselle, vous partez, dit-on, dans trois jours. Vous ne craignez pas de vous exposer aux dangers de la mer… de la mer dont vous êtes si effrayée ! — Il faut, répondit Virginie, que j’obéisse à mes parents, à mon devoir. — Vous nous quittez, reprit Paul, pour une parente éloignée que