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PAUL

Paul, pénétré de douleur à la vue de ces dons de la fortune, qui lui présageoient le départ de Virginie, s’en vint quelques jours après chez moi. Il me dit d’un air accablé : « Ma sœur s’en va ; elle fait déja les apprêts de son voyage. Passez chez nous, je vous prie. Employez votre crédit sur l’esprit de sa mere et de la mienne pour la retenir ». Je me rendis aux instances de Paul, quoique bien persuadé que mes représentations seroient sans effet.

Si Virginie m’avoit paru charmante en toile bleue du Bengale, avec un mouchoir rouge autour de sa tête, ce fut encore toute autre chose quand je la vis parée à la maniere des dames de ce pays. Elle étoit vêtue de mousseline blanche doublée de taffetas rose. Sa taille légere et élevée se dessinoit parfaitement sous son corset, et ses cheveux blonds, tressés à double tresse, accompagnoient admirablement sa tête virginale. Ses beaux yeux bleus étoient remplis de mélancolie ; et son cœur agité par une passion combattue donnoit à son teint une couleur animée, et à sa voix des sons pleins d’émotion. Le contraste même de sa parure élégante, qu’elle sembloit porter malgré elle, rendoit sa